Bourse, l’affaire GameStop : explications de cette affaire qui a fait la « Une » !

La bourse est un monde très particulier. Pour la majorité de la population, elle se résume à des chiffres qui montent ou qui descendent, ce qui a pour conséquence de rendre des riches encore plus riches et d’autres riches un tout petit peu moins riches.

Le commun des mortels ne se posait même pas la question de comment tout ce monde obscur de la finance pouvait bien fonctionner tant il était inaccessible. Mais ça, c’était avant l’affaire GameStop qui a mis le monde de la bourse devant les yeux du grand public.

C’est historique ! Cette entreprise de jeux vidéos au bord de la faillite dont l’action tournait autour de 4 $ depuis plusieurs années a vu sa valeur en bourse exploser quelques jours. En cause ? La mobilisation des boursicoteurs du site communautaire Reddit : bref, c’est un peu un réseau social qui rentre en guerre contre le monde de la finance !

Laissez-nous vous fournir quelques explications pour comprendre les ficelles de l’affaire GameStop sans avoir à ouvrir un immense manuel spécial « La bourse pour les nuls » !

Bourse, l'affaire GameStop : explications de cette incroyable affaire qui a fait la « Une » !

Comprendre les bases de l’affaire GameStop

Pour comprendre ce qui se passe depuis ce début d’année 2021, voici pour commencer quelques termes boursiers qui rentrent en jeu dans l’affaire GameStop et une présentation des différents acteurs de l’affaire. N’ayez crainte, vous allez tout comprendre !

Le b.a.-ba de la bourse pour les nuls

  • être coté en bourse : quand une entreprise décide d’être cotée en bourse, elle met à disposition des actions (titre de propriété de l’entreprise) à l’achat pour des investisseurs qui deviendront alors des actionnaires de l’entreprise.
    La valeur d’une entreprise en bourse est censée refléter l’opinion des marchés financiers sur le succès futur de l’entreprise, il ne s’agit pas du capital véritable que possède celle-ci.
  • l’achat d’action : n’importe qui peut acheter des actions, comme celles de la FDJ par exemple. Les prix de celles-ci varient en fonction de l’offre et de la demande. Plus il y a de personnes qui veulent acheter une action, plus son cours va augmenter, et inversement. Acheter une action dans une entreprise rend son détenteur propriétaire d’une partie du capital d’une entreprise, ce qui lui permet de toucher des dividendes régulièrement. L’actionnaire peut également revendre ses actions.
  • boursicoteur : personne qui fait des opérations en Bourse.
  • vente à découvert / shorting / short selling : marché où ses acteurs (les shorters, comprendre les vendeurs) cherchent à gagner de l’argent en essayant de dévaloriser ce qu’ils possèdent. Un « shorter S » va emprunter une action à un investisseur I1 en garantissant de lui restituer l’action et des intérêts en supplément. Le « shorter S » va chercher ensuite à vendre cette action empruntée le plus vite possible à un investisseur I2 tant que sa valeur est haute. Pariant sur le fait que sa valeur va ensuite chuter, le « shorter S » cherchera à racheter l’action une fois basse pour la restituer à I1. Le « shorter S » aura ainsi gagné de l’argent en spéculant sur la baisse du cours de l’action.
  • fonds spéculatifs / hedge funds : ont pour spécialité de shorter les entreprises qui vont mal pour faire de la vente à découvert (vad dans le jargon). Ces hedge funds sont majoritairement des entreprises et non des particuliers. Ils enquêtent pour voir quelles entreprises vont plutôt mal et vont parier sur le fait qu’elles iront de plus en plus mal (donc que leurs actions vont chuter davantage) pour se faire de l’argent.

Les différents acteurs de l’affaire GameStop

  • GameStop : entreprise américaine spécialisée dans la distribution de matériel électronique et de jeux vidéos. Elle a notamment racheté en 2008 la célèbre marque Micromania que l’on connaît bien en France. Depuis quelques années, l’entreprise va mal (pertes sèches depuis 2018) du fait de l’avènement du jeu vidéo dématérialisé. Ses actions (GME) étaient en chute depuis 2015 (35 $ à 5 $ l’action en 5 ans) et GameStop cherchait un repreneur, en vain.
  • Utilisateurs de WallStreetBets : r/WallStreetBets est un forum créé au sein du site communautaire Reddit, très populaire aujourd’hui auprès des internautes. La communauté qui y échange ne date pas d’il y a quelques semaines mais est bien plus ancienne (2012). Elle regroupe aujourd’hui plusieurs millions d’internautes majoritairement des boursicoteurs. On peut y retrouver des astuces échangées pour identifier les bonnes affaires tout comme des utilisateurs qui étalent fièrement leurs investissements catastrophiques récents.
  • DeepF*ingValue (Keith Gill) : conseiller financier, Keith Gill est un utilisateur de WallStreetBets.
  • Application Robinhood : application appréciée des tradeurs amateurs du fait de sa gratuité (pas de frais de transaction) pour acheter et revendre des actions. C’est une application notamment appréciée des utilisateurs de WallStreetBets pour opérer leurs transactions.
  • Melvin Capital et Citron Research hedge funds ayant parié sur la chute du cours de l’action GameStop.
  • Citadel : grande entreprise dans les marchés financiers. Elle est l’un des principaux clients et fournisseurs de Robinhood et aurait accès à des informations sur les utilisateurs de Robinhood en l’échange de l’utilisation de leurs technologies par l’application préférée des boursicoteurs.

Mais qu’est-ce qu’il se passe depuis janvier 2021 ?

Pour mieux comprendre l’affaire incroyable de GameStop, faisons un petit saut dans le passé, bien avant janvier 2021.

L’histoire commence dès le début de l’année 2019 : des utilisateurs de WallStreetBets ont alors identifié que GameStop a été massivement shortée (comprendre vendue). L’entreprise GameStop était donc en train d’être dévaluée massivement par des fonds spéculatifs.

Si l’alerte n’a pas motivé les foules sur le forum, un utilisateur nommé Keith Gill a cependant pris l’information très au sérieux en commençant à acheter des actions GME (code boursier de la société GameStop) en été 2019 (l’action valait alors… que 4 $ !).

Partageant mois après mois ses gains et pertes sur le forum WallStreetBets, il prédisait que ces « lanceurs d’alerte » qui avaient envisagé l’augmentation de l’action avaient vu juste et flairé le bon plan.

De leur côté, des investisseurs plus connus et imposants (Michael Burry et Ryan Cohen) ont également parié sur un meilleur futur pour GameStop, achetant plusieurs millions d’actions.

Ces décisions ont convaincu d’autres investisseurs en plus des boursicoteurs de Reddit, permettant à l’action GME de passer de 7 $ (septembre 2020) à 20 $ (début janvier 2021).

Pour l’instant, pas de quoi faire la Une des journaux mais l’affaire GameStop ne s’arrête pas là, bien au contraire ! En effet, un rapport tombé mi-janvier 2021 va mettre un coup d’accélérateur à l’affaire GameStop.

Ce rapport indiquait noir sur blanc que GameStop avait été massivement shortée (vendue). Cette information a été entendue par les utilisateurs de WallStreetBets qui n’ont pas voulu rester silencieux.

Ils ont alors ainsi incité toute la communauté du forum à investir massivement dans l’entreprise GameStop pour faire flamber le cours de l’action.

Un petit coup de pouce par-ci, par-là (Chamath Palihapitiya et Elon Musk qui parlent de l’affaire sur leur compte Twitter) et, en 2 semaines, l’action prenait 600%, allant jusqu’à plus de 340 $ !

Cours de l'action GameStop en janvier 2021.

Les hedge funds s’étaient finalement fait prendre à leur propre jeu, mais la catastrophe n’allait pas s’arrêter là… Car ce qui n’était au départ qu’un bon plan pour se faire de l’argent s’est transformé en bataille politique contre les hedge funds et Wall Street.

De la bonne affaire au geste politique contre Wall Street

En effet, si certains boursicoteurs ont pu profité de l’envolée du cours de l’action pour revendre leur achat récent, empochant ainsi de très beaux bénéfices, un autre mot d’ordre a circulé sur WallStreetBets : garder ses actions et ne pas les revendre ( « hold », « hold the line » ).

En clair, tant que les actions ne sont pas revendues par les boursicoteurs, le cours de l’action GameStop augmente et de ce fait, les hedge funds perdent de l’argent, beaucoup d’argent (en milliards).

Il s’agit là de la plus grosse claque que se prenaient les hedge funds depuis ces 25 dernières années, se voyant obligés de tenter de racheter des titres et couvrir leurs dettes !

Pour les deux hedge funds les plus impliqués (Melvin Capital et Citron Research), les sommes dues allaient au-delà de leur propre capital (on parle ici de dizaines de milliards de dollars). Ils ne pouvaient plus rembourser ce qu’ils devaient puisque les boursicoteurs ne voulaient pas leur vendre les actions !

Mais c’est là que Citadel commence à pointer le bout de son nez : cette entreprise de l’ombre, comme il en existe beaucoup dans le monde de la finance, a investi des milliards de dollars dans le hedge fund Melvin Capital.

De quoi mettre la puce à l’oreille sur le fait que l’affaire GameStop n’est pas près de s’arrêter en laissant les boursicoteurs de Reddit victorieux.

Quand les règles du jeu changent et les trahisons sévissent

L’histoire aurait pu s’arrêter ainsi, marquant le jour où les petites gens ont réussi à faire mordre la poussière aux ultra-riches qui jouaient un jeu malsainMais tout ne faisait que commencer

Robinhood suspend l’achat d’actions GameStop sur sa plateforme

Après cet évènement historique, Robinhood a pris la décision de suspendre la possibilité d’acheter des actions GameStop sur la plateforme (ainsi que pour d’autres entreprises plébiscitées par le forum r/WallStreetBets comme BlackBerry ou Nokia), tout en maintenant la revente possible, ce qui est une décision normalement illégale.

Sont ici en cause : la fluctuation du prix de l’action et le volume en quantité d’actions (deux facteurs qui auraient pu coûter cher à terme à la plateforme). Cette décision a finalement occasionné une chute dans le prix de l’action GameStop après son ascension vertigineuse.

On pourrait penser que l’occasion était belle pour les concurrents de Robinhood, mais la fragilité des plateformes concurrentes ainsi que la pression des fonds spéculatifs a été trop importantes pour que d’autres acteurs cherchent à s’en mêler.

Robinhood est-elle vraiment l’alliée des « pauvres » ?

Si Robinhood prend toutes les balles à cette étape, le doute plane sur l’origine de cette prise de décision.

En effet, Citadel ne serait pas si innocente que cela. Son lien étroit avec Robinhood lui aurait aisément permis de faire tomber cette sentence en faisant pression sur Robinhood. Des enquêtes seront assurément tenues prochainement pour démêler ce point-ci.

À ce stade-là, il ne serait d’ailleurs pas étonnant de voir Robinhood mettre la clé sous la porte après cet épisode qui a vu fuir bon nombre de ses clients (sa réputation n’est absolument plus à envier !). Mais, l’entreprise a mystérieusement reçu plus de 3 milliards de réinjection de fonds.

L’application qui se vantait être l’amie de WallStreetBets aurait-elle finalement une alliance bien plus solide dans les hautes sphères des marchés financiers ? Certaines questions demeurent encore aujourd’hui sans réponse.

Maintien du front, coûte que coûte !

Début février, on assiste donc à une espèce de guerre froide entre les boursicoteurs qui maintiennent leurs actions en refusant de les vendre et les hedge funds qui font tout en coulisses pour faire baisser la valeur de cette action (en échangeant entre eux leurs actions à bas prix pour faire baisser artificiellement leur valeur).

La pression sur Keith Gill est également très forte

En effet, d’une part, la décision du forum WallStreetBets de ne pas vendre leurs actions repose sur le fait que Keith Gill maintienne les siennes. De l’autre, les hedge funds font pression sur lui en cas de vente de sa part (avec annonce publique), menaçant de lui faire un procès pour manipulation de marché.

Une chose est sûre cependant : deux hedge funds (Melvin Capital et Citron Research) ont grandement souffert de cette affaire GameStop, mais certains petits boursicoteurs ont perdu gros également (achetant l’action à plus de 300 $ en pleine ascension tandis qu’elle a gravement chuté quelques jours plus tard). L’appel est au maintien du front mais certains ont plus de moyen que d’autres pour gagner la bataille. La pression acheteuse va forcément finir par s’effondrer et c’est ce que est arrivé

Et GameStop dans tout ça ?

À la source de cette histoire demeure bien une entreprise, GameStop, qui n’a pas demandé grand chose dans cette affaire. Prise dans les filets d’un jeu bien plus grand qu’elle, est-ce que ce coup de projecteur serait la vague de fraîcheur dont GameStop avait besoin pour sortir de son piège ?

La réponse à cette question est plutôt pessimiste. En effet, comme nous l’avons dit précédemment, la valeur en bourse d’une entreprise est censée refléter ses bénéfices futurs. Or dans le cas de GameStop qui était une entreprise proche de la faillite, cette valorisation artificielle en bourse ne signifie nullement un miracle.

Tout se passe sur le marché secondaire et non sur le marché primaire qui n’est pas au beau fixe depuis 2018 (l’entreprise est en pertes significatives).

Ce n’est pas cette flambée du cours de l’action qui va encenser les banques et autres investisseurs, convaincus que la valeur de l’action est restée là où elle était début janvier. Cette hausse reste artificielle en reflétant une guerre entre deux acteurs qui n’ont plus le sort de GameStop en ligne de mire.

L’affaire GameStop ne profite finalement en rien à l’entreprise. Même l’émission de nouvelles actions (qui pourraient, elle, permettre de ramener de la liquidité dans l’entreprise) est une décision risquée.

Tout cela n’aura donc occasionné qu’un gros coup de communication sur lequel il faudra savamment rebondir si les dirigeants des GameStop veulent en tirer quelque chose.

Que peut-on imaginer comme conséquences sur le long terme ?

Ce n’est certainement pas l’affaire GameStop qui a ruiné le principe même des hedge funds.

En effet, le marché des fonds spéculatifs a perdu ici quelques milliards de dollars… mais bouge des milliards de milliards de dollars par an en temps normal. Pour eux, il ne s’agit ici que d’une goutte dans leur océan.

C’est encore moins une façon de tacler directement Wall Street. Au contraire, de nombreux nouveaux acteurs vont s’essayer au jeu de la Bourse, et Wall Street a tout à y gagner !

Un espoir réside néanmoins sur la réforme des marchés financiers du fait que l’affaire ait touché le grand public aujourd’hui. L’avenir nous dira si les règles du jeu de la finance ont évolué grâce aux millions de boursicoteurs ou si toute cette affaire n’aura finalement été qu’un coup d’épée dans l’eau.

En tous les cas, grâce à l’affaire GameStop, de nombreuses personnes découvrent aujourd’hui ce constat hallucinant : des fonds financiers brassent des milliards en vendant et rachetant des choses qui ne leur appartiennent pas…

Transposé à la réalité, ceci n’aurait aucun sens, ce qui fera peut-être bouger les lignes à plus long terme sur la légalité des fonds spéculatifs qui restent quand même peu inquiétés par cette affaire. Très loin d’être perdant, Wall Street voit entrer de nouveaux joueurs dans son jeu de la Bourse.

Les projecteurs se braqueront d’ailleurs à nouveau sur ce monde obscur de la finance mais intrigant puisque des projets de production ont fleuri chez Netflix et HBO.

De quoi nous replonger dans une ambiance digne du film Le Loup de Wall Street pour une affaire qui ne se résumera peut-être finalement qu’à ça : un divertissement

Vidéo : une multitude d’explications sur l’affaire GameStop !

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