Taxer les jeux vidéos, encore et encore ?
L’instauration d’une taxe sur les jeux vidéos pourrait être votée, suite à la présentation du projet par deux sénateurs. Pourquoi un tel projet lorsque les jeux en France sont déjà taxés à hauteur de 20% (depuis le 1er janvier 2014) ?
Constatons aussi que la France est le pays qui en moyenne, fait payer ses joueurs vidéo-ludiques 30% plus cher que partout ailleurs, selon une enquête menée par le cabinet Research Now. Bienvenue en France, le pays où les armes fiscales deviennent trop indécentes, pour ne pas dire : « du racket à tous les étages ».
Bref, dans leur rapport sur l’industrie du jeu vidéo, les Sénateurs André Gattolin (Vert) et Bruno Retailleau (UMP) émettent cette mesure afin de soutenir le « made in France », désormais cher au cœur de notre ministre du redressement productif, Monsieur Arnaud Montebourg.
Taxer les jeux vidéos au profit des petits studios français en chute libre
Manifestement cette taxe viserait à aider les petits studios de jeux vidéos français en perdition depuis quelques années. En 15 ans, le secteur de production des jeux vidéos s’est vu retranché plus de 79% de sa structure, passant de 1.200 entreprises actives, avec 25.000 employés, à 250 entreprises avec 5.000 salariés.
Ces chiffres paraîtraient choquant sans pour autant être catastrophiques si le secteur, à l’échelle mondiale n’effectuait pas une progression remarquable de 43.1% entre 2011 et 2012, dont la France est privée, perdant quant à elle 5% (Ubisoft étant l’un des seuls studios français permettant de ne pas rendre l’écart encore plus malheureux).
Face à cette déperdition, au maintien des tarifs à la production et à l’achat, la France accuse une disparition ascendante de ses développeurs qui préfèrent s’envoler vers le Canada et ses studios qui affichent une croissance favorisée par une fiscalité bienveillante et des primes à l’embauche.
Le rapport est dressé, et c’est sur celui-ci que les deux sénateurs souhaitent s’appuyer afin d’obtenir une légère augmentation du prix à la vente des jeux vidéos, aussi discrète que quelques dizaines de centimes d’euro, qui, à terme, seraient reversés aux studios en perte de vitesse.
Au final : plusieurs millions d’euro débloqués et la satisfaction d’avoir aidé les studios français à se développer. Paradoxe, les cerveaux ne se seraient pas expatriés au Canada ou aux USA, voire même en Inde si la fiscalité française n’était pas si lourde sur les petites et moyennes entreprises.
Pour combler cette folie de nos énarques qui dure depuis des dizaines d’années, l’idée de créer encore une taxe semble combler de joie les deux Sénateurs. En clair, ne nous cassons pas la tête pour réformer, créons une taxe, c’est facile, c’est pas cher et elle règlera notre problème de dépôts de bilans des jeunes studios de création de jeux vidéos…
Idéalistes seraient cependant les Sénateurs qui, bien loin d’avoir établit un projet définitif, n’ont aucune réponse à donner concernant la répercussion de ce coup porté aux éditeurs qui refusent une augmentation de leurs produits… et seraient tentés de reporter leurs pertes sur les dits studios.
Les progrès technologiques ont toujours une longueur d’avance sur les politiques !
Enfin, le débat reste ouvert : le jeu vidéo, selon les 2 Sénateurs, doit recevoir une aide en France ; il a le vent en poupe à l’international et le Syndicat National du Jeu Vidéo (SNJV) estime son chiffre d’affaires à 75 milliards d’euro d’ici à 2017.
Néanmoins posons-nous la question de la justesse d’une telle mesure qui ne concernerait cependant que les ventes matérialisées (les jeux vidéos dans leur boite).
De la même manière qu’il ne fallait pas parier en 1995 sur la rentabilité des VHS, pourquoi aujourd’hui taxer les jeux en boite alors que les ventes de jeux vidéo dématérialisées explosent ?
Une étude du cabinet IHS réalisée cette année montre bien que plus d’un tiers des revenus des fabricants de consoles (Sony, Microsoft et Nintendo) pourraient provenir des ventes dématérialisées d’ici à 2017.
Face aux difficultés éprouvées par les studios français à faire valoir leur savoir-faire, certes, des mesures méritent notre attention, mais probablement pas par la création d’une nouvelle taxe qui deviendra très rapidement inefficace.
Alors que cette taxe ne représente que la première pousse imparfaite d’un projet judicieux, les Sénateurs ne se hâtent pas de faire payer les consommateurs pour les éditeurs qui ne veulent rien entendre… et l’on veut bien les comprendre. C’est plutôt au gouvernement de revoir leur copie, et cela dans tous les domaines !
Les studios français attentifs à la polémique, sceptiques et prudents, attendent donc de cette mesure une aide bienvenue, mais impliquée par 2 Sénateurs sans trop de réflexions aux réels problèmes des entreprises en France. Bref, une taxe qui finira en niche fiscale et qui existera encore en l’An 2100…