Jeux vidéo : projet de loi sur le numérique et addiction

C’est cette semaine que le projet de loi « Pour une République Numérique » était débattu à l’Assemblée Nationale. Porté par la secrétaire d’Etat chargé du numérique, Axelle Lemaire, ce projet de loi a vocation à renforcer les droits des Français dans le monde numérique.

Jeux vidéo : projet de loi sur le numérique et addiction.

Depuis de longues semaines, ce dernier fait d’ailleurs l’objet de vifs débats et ce sur de nombreux points.

Entre autres, le projet de loi prévoit de dispenser les compétitions de jeux vidéo des diverses règles qui encadrent aujourd’hui l’ensemble des jeux de hasard et d’argent et donc, de toutes les dispositions qui visent à lutter contre l’addiction aux jeux.

L’A.N.P.A.A. monte au créneau pour dénoncer une erreur grave

Cette disposition ne plait en tout cas pas du tout à l’association A.N.P.A.A. (Association Nationale de Prévention en Alcoologie et en Addictologie) qui a vivement réagi en fin de semaine passée dans un communiqué afin d’exprimer son point de vue.

Et l’association n’a pas caché son intention à savoir de prévenir les députés du risque sanitaire et social contenu dans le projet de loi de Mme Lemaire.

Il faut dire que l’article n°42 du projet de loi « Pour une République Numérique » s’intéresse au développement des compétitions de jeux vidéo en France, compétitions qui peuvent permettre aux meilleurs joueurs d’empocher des gains pouvant atteindre le million d’euros.

Or, pour favoriser leur développement, il est prévu de les exempter de tout l’arsenal juridique – en particulier les mesures visant à lutter contre l’addiction aux jeux – avec lequel doivent composer les autres jeux d’argent tels que définis dans la loi 2010 sur les jeux de hasard et d’argent.

Pour expliquer cette différence, les porteurs du projet de loi ont rappelé qu’en 2010, les jeux en ligne étaient quelque chose de nouveau et qu’il était donc essentiel de mettre des garde-fous pour éviter que des individus ne développent une véritable addiction aux jeux.

Tout a ainsi été fait à l’époque pour réduire au maximum le nombre de joueurs compulsifs.

En effet, bien conscient que la Coupe du Monde 2010 et ses potentielles recettes pour l’Etat, via l’impôt payé par les opérateurs de paris sportifs en ligne, avaient joué en faveur de la légalisation des jeux d’argent en ligne, Alain Rigaud, président de l’A.N.P.A.A, souligne que le législateur avait été « attentif au risque sanitaire ».

Il avait donc mis en place des mesures pour protéger les parieurs contre l’addiction aux jeux : contrôle de l’âge des joueurs, repérage des sujets en difficulté ou encore plafonnement des pertes.

Le législateur avait également prévu un financement des dispositifs de prévention et de traitement de l’addiction aux jeux par les opérateurs puisqu’une partie des taxes qui leur incombaient était destiné à cela.

L’A.N.P.A.A. craint une recrudescence de l’addiction aux jeux

Or, même si ce serait mentir que de dire qu’il n’existe pas aujourd’hui d’individus souffrant d’addiction aux jeux en France, les différentes études de l’ARJEL ont démontré que les dispositifs mis en place pour lutter contre la dépendance aux jeux depuis 2010 ont porté leurs fruits

Rappelez-vous, c’est un peu comme le nuage de Tchernobyl qui contourne la France… En effet, la dépendance aux jeux en Suisse grimpe de manière catastrophique, mais en France, bah non !

Aussi, Alain Rigaud se demande pourquoi les compétitions de jeu vidéo ne sont pas soumises aux mêmes règles et ce, d’autant plus que l’existence d’importantes dotations est susceptible de favoriser une addiction aux jeux. Pour lui, cette exemption serait une « grave erreur ».

Le président de l’A.N.P.A.A. suggère aussi qu’une telle dispense pourrait ouvrir une brèche que d’autres acteurs de l’industrie du jeu pourrait utiliser pour contourner l’encadrement juridique du secteur.

De plus, le flou entourant la définition du jeu vidéo est tel que certains pourraient être tentés de faire passer leur création pour des jeux vidéo même s’ils n’en sont pas simplement en ajoutant par exemple un scénario à leur « jeu ».

A la lecture du projet de loi, nous pouvons d’ailleurs imaginer que ceux qui l’ont conçu ont pensé à cette possibilité puisqu’il précise, qu’une définition claire des compétitions exemptées mais aussi un encadrement de ces dernières seront à établir ultérieurement par voie d’ordonnance par le gouvernement.

Si cela ne convainc pas totalement le représentant de l’A.N.P.A.A., le communiqué de l’association rappelle ce qui est finalement essentiel selon elle à savoir l’engagement du gouvernement « à préserver la jeunesse et la santé publique au moyen d’une forte régulation » et ce « face aux lobbies économiques ».

L’Etat doit donc, selon elle, tout mettre en œuvre pour que l’autorisation des compétitions de jeux vidéo ne s’accompagne pas d’une augmentation de l’addiction aux jeux en particulier chez les plus jeunes.

Un amendement adopté pour combler les « faiblesses » du projet de loi

Eh bien, il semblerait que la voix de cette association de lutte contre l’addiction aux jeux a été entendu par les députés puisque lors de l’étude du texte dans l’hémicycle, un amendement obligeant l’organisateur de la compétition de jeux vidéo à obtenir un agrément du Ministère de la Jeunesse a été adopté.

Pour l’obtenir, il devra montrer patte blanche et prouver qu’il apporte toutes les garanties en matière de protection des mineurs et de lutte contre les fraudes.

Une réponse a aussi été apportée à ceux qui demandaient une définition plus précise de la notion de « jeux vidéo » pour éviter que certains tentent de profiter d’une faille. En effet, seuls certains jeux pourront faire l’objet d’une compétition et il est possible qu’à terme, une liste régulièrement mise à jour soit définie.

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