Jeux d’argent en France, la politique n’est pas bien claire

Mercredi dernier, la Cour des Comptes a rendu un rapport très attendu traitant du marché des jeux d’argent en France et la grande institution financière n’y est pas allée de main morte dans son enquête.

La Cour des Comptes et les jeux d'argent en France.

Dans la conclusion de son rapport, la Cour des Comptes met d’ailleurs les pieds dans le plat en affirmant que « la France n’a pas de politique des jeux bien claire », une observation que ne devrait probablement guère apprécier tous ceux qui ont travaillé pour la régulation du marché des jeux d’argent en France.

Une loi sur les jeux d’argent en ligne mise en place à la va-vite

Pourtant, le Président de la Cour des Comptes, Didier Migaud, sait de ce dont il parle puisqu’il a lui-même été acteur dans le projet d’ouverture à la concurrence des jeux d’argent en ligne en France concrétisé par la publication de la loi du 12 mai 2010.

En effet, six ans et demi plus tôt, l’homme occupait le rôle du Président de la Commission des Finances à l’Assemblée Nationale.

Aujourd’hui, Didier Migaud avoue ainsi que cette loi a été mise en place trop rapidement parce que la pression des opérateurs de jeux d’argent en ligne, pour que tout soit en place pour la Coupe du Monde de football 2010 jouée un mois plus tard, a été forte.

Ne pas oublier également que la France à cette époque était sous la menace d’amendes colossales par la Commission Européenne.

Mais la précipitation de la régulation des jeux d’argent en France n’avait pas cette seule raison… L’offre illégale devait être éliminée puisqu’elle se développait à grande vitesse sur la Toile.

De plus, l’Union Européenne insistait sur l’importance du règlement du dossier « jeux d’argent » par la France.

Face à ce contexte, l’Etat français a donc ouvert paris sportifs, paris hippiques et poker à la concurrence tout en maintenant le monopole des casinos et des opérateurs historiques de jeux d’argent en France que sont le PMU et la Française des Jeux.

Eh oui, la FDJ a conservé son monopole sur les produits « loterie »,  « jeu de grattage » et sur son réseau physique qui lui permettait d’accepter aussi les paris sportifs.

Le PMU quant à lui, a pu conserver son monopole sur les paris hippiques, lui aussi sur son réseau physique.

Les jeux d’argent en France, un enjeu économique fort pour l’Etat

Si l’Etat affirme avoir agi pour préserver l’ordre public, maintenir l’équilibre de la filière des jeux d’argent en France et pour lutter contre les addictions, il a également bien rempli ses caisses.

Il faut dire qu’en 2015, les joueurs français ont dépensé 45 milliards d’euros dans les casinos, les points de vente des réseaux FDJ et PMU ou encore en ligne.

Aussi, les jeux d’argent en France rapportent annuellement près de 5 milliards d’euros, les deux tiers environ allant directement dans les caisses de l’Etat alors que le reste représente des taxes collectées par les collectivités locales ou bien des contributions au financement de la Sécurité Sociale, de la filière équine ou du mouvement sportif (CNDS).

La Cour des Comptes pointe néanmoins dans son rapport le fait que l’ouverture des jeux d’argent en ligne à la concurrence n’a pas réellement permis à de nouveaux acteurs de s’installer sur le marché.

En effet, aujourd’hui encore, les casinos, la Française des Jeux et le PMU restent les acteurs majeurs du marché des jeux d’argent en France. L’Etat aurait-il volontairement conforté les opérateurs historiques avec la loi du 12 mai 2010 ?

Probablement selon certains, notamment les opérateurs de paris sportifs et de casinos en ligne, absolument pas selon d’autres… Mais le résultat est exactement le même et prouve l’absence d’une réelle politique des jeux.

La Cour des Comptes n’est toutefois pas dupe et a bien constaté que les casinos français tout comme le PMU traversaient des périodes plus compliquées actuellement.

Tous œuvrent d’ailleurs pour améliorer régulièrement leur offre et l’adapter aux attentes des joueurs.

La FDJ semble en passe de réussir ce pari, les casinos peuvent le faire mais pour le PMU, ce sera beaucoup plus compliqué en raison de l’érosion de la base de joueurs depuis 2 ans environ.

De nombreuses pistes pour améliorer le marché des jeux d’argent en France

Selon la Cour des Comptes, différents éléments de la loi du 12 mai 2010 brident les opérateurs de jeux d’argent en ligne en France et mettent certains en difficulté.

En premier lieu, c’est la fiscalité qui est ciblée et l’institution financière estime que l’imposition devrait être revue à la baisse afin de ne plus être un frein aux nouveaux opérateurs en ligne entrants.

En second lieu, elle juge que la régulation pour lutter contre l’offre illégale doit être renforcée.

Enfin, elle prône davantage de liberté pour les opérateurs afin qu’ils puissent élargir leur catalogue de jeux comme bon leur semble. A ce sujet, pour les opérateurs en ligne, l’AFJEL le réclame depuis longtemps

Idem pour les casinos en dur, cela va de pair avec une plus grande réactivité administrative pour autoriser certains jeux d’argent en France, comme la roulette électronique qui a pratiquement sauvé les casinos français depuis 2015.

Reste le volet social de la loi et là aussi, la Cour des Comptes estime que des changements doivent être opérés.

Parmi les pistes évoquées, l’instauration d’une carte obligatoire pour identifier les joueurs en points de vente (ce que réclamait haut et fort le Groupe Partouche depuis des lustres !), l’usage du fichier des interdits de jeux sur ces mêmes lieux ou encore l’uniformisation des plafonds d’usage des espèces et le tout, pour lutter contre les addictions et la fraude notamment dans les paris hippiques et sportifs.

Les pistes ci-dessus sont donc à l’encontre du réseau physique de la FDJ et de ses jeux de grattage en priorité, mais aussi dans le domaine des paris sportifs et hippiques. Le PMU et la FDJ sont donc ciblés par la Cour des Comptes.

Ces mesures à venir (peut-être…) devraient ravir les casinotiers français, qui eux seuls actuellement pour les jeux en dur, sont soumis à ces contraintes. Reste à savoir si le réseau des buralistes suivra…, pas si sûr !

L’institution financière pointe aussi les faiblesses présentes sur le marché des courses hippiques (développement du dopage et de la corruption hippique, concurrence déloyale des parieurs internationaux, etc…)

Enfin, elle conclut en faisant part de sa certitude que la création d’un comité interministériel et d’une autorité administrative dédiée à la régulation des jeux d’argent en France est nécessaire. Reste à savoir si l’Etat explorera ses pistes ou se bornera à les réfuter…

Retour en haut