La FDJ doit stopper ses tests d’identification des joueurs

L’Etat français a habitué ses citoyens à de multiples voltefaces mais il avait jusqu’à présent plutôt bien réussi à les épargner aux entreprises nationales.

Ces dernières, et en particulier la Française des Jeux (FDJ), n’avaient ainsi jusque-là que peu goûté aux incohérences des élus politiques.

L'Etat ordonne à la FDJ de stopper ses tests d'identification des joueurs.

Pourtant depuis quelques jours, Stéphane Pallez, la grande boss de la FDJ qui a fait exploser le chiffre d’affaires en 2016, fait face à une situation des plus inédites.

L’Etat lui a effectivement ordonné de stopper les tests sur l’identification des joueurs (levée de l’anonymat des joueurs) alors même que c’est lui qui avait demandé avec insistance la mise en place d’un tel système et ce, depuis 2014 !

L’identification des joueurs indispensable pour régler certaines problématiques

Depuis 2014 et l’arrivée à la tête de la FDJ de Stéphane Pallez, l’Etat n’a cessé de marteler l’importance de la mise en place d’un dispositif d’identification des joueurs de loteries en tous genres, mais aussi pour les jeux de grattage qui engendrent de l’addiction.

Mais mettre à mal l’anonymat des joueurs sans prendre le risque de voir les recettes de l’opérateur fléchir dangereusement méritait quelques réflexions éclairées…

La FDJ avait donc décidé d’y aller en douceur et d’expérimenter un système d’identification des joueurs dans des lieux précis, quitte à le généraliser ultérieurement si l’expérimentation s’avérait une réussite.

Derrière la nécessité d’une meilleure identification des joueurs se cachent plusieurs questions d’ordre social. D’abord, il était question de renforcer l’interdiction des jeux d’argent pour les joueurs mineurs.

Ensuite, il était question de pouvoir identifier les adultes utilisant les jeux d’argent achetés chez les buralistes pour opérer du blanchissement d’argent.

Enfin, il était aussi pertinent d’améliorer l’identification des joueurs pour mener plus efficacement la lutte contre les comportements addictifs, notamment pour les tickets à gratter.

Ces problématiques avaient d’ailleurs, à juste titre, été rappelées par la Cour des Comptes en 2016 puis par une commission parlementaire en février 2017. L’identification des joueurs devenait donc indispensable et la FDJ a joué le jeu.

L’identification des joueurs, un projet mort-né ?

Sous la pression, la Française des Jeux a fini par mettre en place un dispositif d’identification des joueurs au mois de mars 2017 et a choisi de l’expérimenter dans une partie réduite de son réseau de vente.

En accord avec des buralistes et des gérants de bar, des solutions ont donc rapidement été trouvées. Ainsi, comme c’est le cas à l’entrée des casinos français, les joueurs devront au moment de leur achat de tickets de grattage, de leurs grilles de loterie ou encore de leur grille de paris sportifs, présenter leur pièce d’identité ou plutôt la scanner via un système présent sur site.

En contrepartie de leur collaboration à cette expérimentation d’identification des joueurs, la FDJ a attribué aux buralistes participants quelques avantages.

Entre autres, ces derniers pourront proposer à leurs clients de parier sur les rencontres sportives en cours alors qu’habituellement, les paris pris en bureau de vente sont bloqués au moment du coup d’envoi.

Seulement voilà, l’identification des joueurs et la levée de leur anonymat n’est finalement pas pour tout de suite puisque l’Etat a ordonné à la FDJ de stopper son projet d’expérimentation avec effet immédiat. Mais pour quelles raisons ?

La colère du monde hippique a raison des efforts de la Française des Jeux

Si Stéphane Pallez et la FDJ ont été très surpris de voir le projet d’identification des joueurs avorter aussi rapidement, les raisons ont très vite été découvertes.

En effet, la filière hippique a une nouvelle fois fait parler son lobby auprès de l’Etat pour obtenir la décision attendue.

Dès qu’ils ont eu écho des conditions des tests d’identification des joueurs dans les points de vente de la FDJ, le PMU a fait part de ses inquiétudes quant à son impact sur les paris hippiques.

Eh oui, les paris sportifs exceptionnels offerts par la FDJ risquaient fortement de nuire aux paris sur les courses de chevaux, surtout en forte baisse en France.

Quelques jours plus tard, le lobby hippique dans son ensemble se faisait entendre en manifestant à Bercy. Cette fois, l’Etat changeait de position et ordonnait à la FDJ de cesser le déploiement de son dispositif d’identification des joueurs. Incroyable mais vrai…

Dans ce dossier, bien des éléments surprennent en tout cas. D’abord, comme l’a précisé la FDJ, l’expérimentation du système d’identification des joueurs n’avait lieu que dans des points vente où les paris hippiques n’étaient pas proposés pour éviter « une cannibalisation des offres ».

Ensuite, l’Etat a repoussé là un projet d’une importance capitale sur le plan social.

Enfin, l’Etat a privilégié un opérateur privé en proie à des difficultés de renouvellement de ses joueurs au détriment d’un opérateur public. Le coup de frein donné à la FDJ va en tout cas l’obliger à collaborer avec le PMU pour définir les futures conditions de ses tests.

Pas sûr donc que la levée de l’anonymat des joueurs chez la FDJ et le PMU soit pour sitôt… Disons que finalement, cette décision de l’Etat arrange bien leurs affaires.

Les joueurs malintentionnés ont de beaux jours devant eux afin de continuer à blanchir de l’argent sur les paris et les jeux de grattage entre autres.

Très paradoxal cet Etat schizophrénique qui au final, est extrêmement laxiste pour les points de vente de la FDJ et du PMU alors que les opérateurs en ligne de paris (hippiques et sportifs) et de poker sont soumis eux, à une règlementation très rigoureuse par l’Arjel.

Pas besoin de se rendre à la Commission Européenne pour constater la force du lobbying, nous l’avons à notre porte ! Bref, on aura tout vu dans le monde des jeux en France

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